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Quelle prévention des risques naturels en France ?
Des inondations et des incendies de forêt ont marqué l'été 2021. Ces phénomènes naturels peuvent avoir de graves conséquences, tant sur le plan humain que sur le plan économique et environnemental. Comment faire face à ces risques, garantir la sécurité des personnes et réduire les dommages ? (Publié le 31 août 2021)
Connaître pour informer et alerter
Prévenir les risques, anticiper les crises
Les catastrophes naturelles survenues en France ces dernières années, telles que la vague de chaleur de 2003, les inondations dans la vallée de la Roya en octobre 2020 lors du passage de la tempête Alex, ou encore l'ouragan Irma aux Antilles en 2017, ont mis en lumière notre vulnérabilité croissante face aux risques naturels.
Bien que ces phénomènes soient imprévisibles et inévitables, les dommages qu’ils causent peuvent être réduits grâce à une politique de prévention. C'est le rôle de l’État, mais aussi des collectivités territoriales, d'assurer la sécurité des personnes et de réduire les coûts des dommages.
Connaître pour informer et alerter
La politique de prévention des risques naturels regroupe l’ensemble des actions à mettre en œuvre pour réduire l’impact des phénomènes naturels sur les personnes et les biens.
La connaissance des phénomènes naturels
Pendant longtemps, les populations se sont installées sur des territoires sans tenir compte des risques naturels en raison de leur caractère imprévisible. Ce n'est que depuis le milieu du XXe siècle que les progrès de la science ont permis de mieux connaître les causes et les mécanismes des phénomènes naturels.
Les différentes études scientifiques permettent aujourd'hui aux pouvoirs publics d’identifier les enjeux et de mettre en place des mesures de prévention pour réduire les risques à long terme.
C’est le ministère de la transition écologique qui définit cette politique de connaissance du risque autour de trois axes :
- la connaissance des événements passés pour ne pas perdre la mémoire collective grâce à la constitution de bases de données (sismicité, climatologie, mouvements de terrain), d’atlas (cartes des zones inondables, cartes de localisation des phénomènes d'avalanches, inventaire des cavités souterraines) ;
- les recherches menées par les établissements publics spécialisés, comme Météo-France et les laboratoires français et européens, pour percer les mécanismes des phénomènes et anticiper leurs comportements ;
- les études techniques qui permettent d’établir des cartes d’extension (cartes d’extension des crues par exemple), d’intensité ou de fréquence des aléas afin de prévoir certains événements avant leur apparition. Les collectivités locales peuvent faire réaliser ce type d'études sur un risque ou un secteur particulier de leur territoire.
La surveillance et l’alerte
De nombreux sites en France font l'objet d’un dispositif permanent de surveillance afin d'anticiper les phénomènes dangereux. C'est le cas du volcan du Piton de la Fournaise à La Réunion, un des volcans les plus actifs au monde. Ses éruptions peuvent être détectées à l’avance grâce à des caméras et des capteurs positionnés sur le terrain. Ces outils de surveillance permettent de prévenir les populations et de préparer la gestion de crise.
À la suite des violentes tempêtes Lothar et Martin, une carte de vigilance météo a été créée en 2001 par Météo-France, accessible en permanence sur Internet et actualisée deux fois par jour.
Elle est destinée à informer les citoyens et les pouvoirs publics de l'arrivée de phénomènes météorologiques ou hydrologiques majeurs (vent violent, pluie, inondation, orages, canicule, grand froid...).
Selon le niveau de vigilance (vert, jaune, orange ou rouge), il appartient aux autorités compétentes (maire, préfet) de placer leur territoire en alerte et de mobiliser les moyens de secours.
La carte de vigilance crues, mise en place en 2006, est fondée sur le même principe que la surveillance météorologique. Elle permet de prévoir la survenance de crues sur les cours d’eau surveillés par l'État, à partir des informations traitées par le Service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations (Schapi) et les services de prévision des crues (SPC). Ces données sont reprises par le dispositif de vigilance de Météo-France pour une meilleure diffusion des informations.
L’information préventive et l'éducation des populations
Un des moyens essentiels de prévention est l’adoption par les citoyens de comportements adaptés face aux risques naturels. La loi du 22 juillet 1987 impose d'informer préventivement les populations des risques auxquels ils sont exposés et des mesures de sauvegarde qui les concernent. Ce droit à l'information sur les risques majeurs est inscrit dans le code de l'environnement.
Plusieurs documents visent à informer et sensibiliser la population sur les risques naturels présents sur le territoire :
- le dossier départemental des risques majeurs (DDRM), établi par le préfet. Il recense tous les risques naturels identifiés dans le département et les porte à la connaissance des communes concernées par ces risques ;
- le dossier d’information communal sur les risques majeurs (DICRIM), élaboré par le maire. Il reprend les informations transmises par le préfet et précise les consignes de sécurité et les mesures de sauvegarde répondant aux risques présents sur la commune. Ce document est porté à la connaissance du public et consultable en mairie.
- Le site Géorisques, mis en place par le ministère de la transition écologique, permet de s'informer sur les risques naturels présents sur sa commune.
La loi du 30 juillet 2003 a instauré une obligation d'information des acquéreurs et des locataires (IAL) d'un bien immobilier situé dans une zone exposée à des risques naturels. Les bailleurs et vendeurs sont tenus d'annexer au contrat de vente ou de location un état des risques auxquels est exposé leur bien et de préciser les indemnisations dont il a fait l’objet au titre d’une déclaration de l’état de catastrophe naturelle.
Prévenir les risques, anticiper les crises
Les plans de prévention des risques
L'article L110 du code de l’urbanisme pose la prévention des risques naturels dans ses principes. La maîtrise de l’aménagement du territoire vise à empêcher l'exposition de nouvelles habitations aux risques naturels et à diminuer la vulnérabilité des zones déjà urbanisées.
En 1982, la loi relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles a instauré les plan d'exposition aux risques (PER). En 1995, créés par la loi Barnier, les plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) remplacent les PER. Ces plans réglementent l’utilisation des sols dans les communes qui présentent une vulnérabilité importante vis-à-vis des risques naturels. Ils s’appliquent aux futures constructions mais aussi aux constructions existantes. L’article L562-1 du code de l’environnement définit les objectifs des PPRN.
Établi sous l'autorité du préfet, le PPRN repose sur trois documents :
- un plan de zonage qui identifie les zones constructibles, les zones inconstructibles, et celles où il est possible de construire sous certaines conditions ;
- un règlement décrivant les contraintes constructives et d’urbanisme à respecter dans chaque zone ;
- un rapport de présentation qui expose les études réalisées et les motifs du règlement.
Une fois approuvé par arrêté préfectoral, le PPRN est annexé aux documents d'urbanisme en tant que servitude d’utilité publique (SUP), c'est-à-dire que toute personne doit se conformer à ces règles de construction et d’aménagement. Le non-respect d'un PPRN peut entraîner des sanctions pénales et des conséquences en terme d’indemnisations pour catastrophes naturelles.
Lorsqu’un PPRN définit une zone exposée à un risque naturel majeur, l’État ou la commune peut engager une procédure d’acquisition à l’amiable ou d’expropriation de biens, en dernier recours.
Le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit "Fonds Barnier", est chargé de financer, dans la limite de ses ressources, des indemnités aux propriétaires des biens. Les compagnies d’assurances alimentent ce fonds en versant 12% de la cotisation perçue au titre des catastrophes naturelles. Ce fonds a été rattaché au budget général de l'État dans le cadre de la loi de finances pour 2021.
En l’absence de PPRN, la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) du 13 décembre 2000 prévoit que les documents d’urbanisme (SCOT, PLU, cartes communales) déterminent les conditions permettant d'assurer la prévention des risques naturels.
La réduction du risque
L’objectif est d’atténuer les dommages en réduisant, soit l’intensité de certains aléas naturels (inondations, coulées de boues, avalanches), soit la vulnérabilité des enjeux (bâtiments, monuments et sites touristiques, réseaux d’électricité, d’eau, de télécommunications...).
Les collectivités réalisent, par exemple, des travaux de protection pour mettre à l’abri les biens et les personnes, comme une digue contre les inondations ou un grillage anti-éboulements sur les routes de montagne. La réduction du risque relève aussi d'une implication des particuliers qui doivent agir personnellement pour réduire la vulnérabilité de leurs biens. Il peut s’agir du débroussaillage des terrains dans les zones concernées par les feux de forêt.
Cela passe également par la formation des professionnels du bâtiment (architectes, ingénieurs en génie civil, entrepreneurs) qui doivent prendre en compte les risques dans les règles de construction, et des professionnels des secteurs concernés (assurance, immobilier, tourisme).
En 2007, le gouvernement a adopté un plan séisme aux Antilles qui s'intègre au programme national de prévention du risque sismique. Plus d'un milliard d'euros ont été dépensés pour la construction et le renforcement parasismique de bâtiments publics (établissements scolaires, de santé, logements sociaux). 450 millions d'euros proviennent du fonds Barnier. Réservé à l'origine au financement des procédures d'expropriation et d'acquisition amiable de biens, ce fonds sert également à subventionner les travaux de prévention des risques naturels des particuliers et des collectivités.
L'anticipation de la crise
La préparation à la gestion de crise est du ressort du maire qui est responsable de la sécurité des personnes et des biens à l’échelle de sa commune. Pour cela, il élabore le plan communal de sauvegarde (PCS) qui :
détermine, en fonction des risques connus, les mesures immédiates de sauvegarde et de protection des personnes ;
fixe l’organisation nécessaire à la diffusion de l’alerte et les consignes de sécurité ;
recense les moyens disponibles ;
définit la mise en œuvre des mesures d’accompagnement et de soutien à la population.
La loi de modernisation de la sécurité civile de 2004 a rendu le PCS obligatoire dans les communes dotées d'un plan de prévention des risques naturels (PPRN).
Lorsque l'organisation des secours revêt une ampleur particulière, elle est traitée au niveau départemental. Le dispositif ORSEC (Organisation de la Réponse de Sécurité Civile) mobilise et coordonne, sous l'autorité du préfet, les acteurs de la sécurité civile (sapeurs-pompiers, SAMU, forces de l'ordre) et permet une mise en œuvre rapide de tous les moyens nécessaires pour protéger les populations, les biens et l'environnement.
Chaque catastrophe naturelle fait l’objet d’un retour d’expérience (Rex) pour améliorer la gestion de crise et la prévention des risques sur les territoires impactés. Sous l’égide du préfet ou, pour les catastrophes majeures, des ministres de l'intérieur et de la transition écologique, des experts établissent des rapports sur l’intensité du phénomène, son étendue géographique, les dommages humains et matériels, etc.
Vers une réforme de l'indemnisation des catastrophes naturelles ?
Jusqu’en 1982, la plupart des risques naturels n’étaient pas couverts par les contrats d'assurances. C’est à la suite d’importantes inondations, dans les vallées de la Saône et du Rhône au début des années 80, que le Parlement adopte la loi du 13 juillet 1982 qui instaure un régime spécial d'indemnisation des catastrophes naturelles, dit "régime CatNat". Cette loi impose aux assurances d’indemniser les victimes de catastrophes.
Sont couverts "tous les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises" (article L125-1 du code des assurances).
Cette indemnisation est subordonnée à deux conditions :
- l'état de catastrophe naturelle doit avoir été préalablement reconnu par un arrêté interministériel paru au Journal officiel qui précise les zones touchées par la catastrophe, les périodes auxquelles les faits se sont produits et la nature des dommages ;
- les biens sinistrés doivent être couverts par un contrat d'assurance dommages (multirisques habitation, automobile).
Ce système est financé par une surprime (actuellement de 12%) sur tous les contrats d’assurance de dommages aux biens. Il repose sur un principe de solidarité nationale : les assurés paient la même prime sur leur assurance, qu’ils soient exposés ou non aux risques naturels. Le montant des primes, de même que les franchises et les modalités d’indemnisation sont fixés par l'État, et non par les assureurs.
La recrudescence des événements météorologiques extrêmes, comme les sécheresses, les inondations ou les tempêtes, pose la question de la soutenabilité de ce système d’indemnisation des catastrophes naturelles.
Dans un rapport publié en juillet 2019, la mission d'information du Sénat sur les risques climatiques estime que "d'ici 2050, le montant des sinistres liés aux catastrophes naturelles va augmenter de 50% à cause du climat et de la concentration de la population dans des zones à risques." La surprime "catastrophe naturelle" versée par les assurés pourrait passer de 12 à 18% en 2050 afin de couvrir les besoins d’indemnisation.